Nimbus – Mémoire trouble

Pas à pas, avec le temps la vision des événements passés devient floue et se fractionne. Les statues grecques incarnent une mémoire commune et sanctuarisée d’un passé lointain que l’on croit connaître. Or très peu d’originaux subsistent de la période Grecque dite classique et archaïque (VIe et Ve siècle av. J.C.), encore moins sont formellement attribués aux figures de référence artistique de l’époque (Phidias, Myron, Polyclète). La grande majorité des statues exposées aujourd’hui dans nos musées sont en fait des copies de copies, anachroniques, décolorées, morcelées, et présentées hors de leur contexte/objet initial, politique ou religieux. L’interprétation que nous en avons est faussée. Et pourtant, elles nous touchent.

J’ai approché cette série comme un questionnement autour du vrai-semblable et du faux-semblant. Une planche noir et blanc trouvée dans l’ouvrage de référence de Jean Charbonneaux, ancien conservateur des antiquités greco-romaines du Louvre, est détourée, recomposée numériquement, puis tramée pour être sérigraphiée. Chaque image est ensuite travaillée manuellement en atelier, en jouant sur les effets d’encrages successifs (superpositions, manques, plasticité de l’encre).

La mémoire se révèle et s’efface sur le papier au fil des passages de l’encre au travers les entremêlements des fils de l’écran. Au fur et à mesure des couches, le flou prend corps, la vision se trouble.

Chroma & chronos – des hommes et des dieux

La couleur (chroma) et le temps (chronos). La polychromie du monde antique est laissée de côté dans notre apprentissage de l’histoire de l’art. Il est un fait établi néanmoins peu connu que les anciennes sculptures étaient peintes, jusqu’à la retine des yeux. Marbres et bronzes ont perdu les pigments qui recouvraient leurs surfaces avec l’usure des siècles. Les statues qui nous sont parvenues sont lisses et incarnent une certaine Idée du Beau, du rythme et de la forme. Cela a eu des conséquences par la suite sur la définition même de la peinture et de la sculpture. La querelle dite « du paragone » à la Renaissance met ainsi en opposition sculpture et peinture sur la base de leurs qualités en apparence intrinseques : pureté de la forme à la sculpture, harmonie de la couleur et représentation du vivant à la peinture. Le débat a continué pendant des années, et s’est accentué aux 18e et 19e siècles, avec un persistance jusqu’à nos jours. Cet ensemble de pastels pose la question de l’héritage de ces classiques, moyennant un lifting coloré, aka : « kisch is back ».

Chroma & chronos – des hommes et des dieux

Dans la continuité des compositions précédentes, cette série de pastels de mains de statues grecques est un travail préparatoire de recherche autour de la couleur, des rythmes, de la forme. J’ai choisi la main pour ce qu’elle raconte du caractère et du lien à l’autre. En tant que peintre, il s’agit de mon premier outil de travail.

Chacune de ces images est faite suivant le même protocole : une main d’une statue est isolée dans un espace carré de 20 cm de côté, sur un papier Fabriano à grain fin. Le traitement de la composition, son cadrage, le rendu des modelés, couleurs et mouvements varie ensuite d’une pièce à l’autre. L’objet devient déclinaison, et motif.